Le Casino d'Eldorado...probablement l'endroit le plus magique sur les terres Vedans. Le paradis sur terre pour toute personne aimant les jeux à mise. Ce qui était également mon cas, venir dans ce gigantesque dôme, abritant un nombre fou de jeux à mise tous plus envoûtant les uns que les autres, il n'y avait rien de mieux pour passer la soirée. Le seul soucis serait que lorsqu’on y rentre, on a du mal à en sortir. Ne faisant plus attention à ce qui se déroule autour, focalisé sur le jeu, savoir si la chance sera avec nous pour cette partie. Le résultat en est que l'heure tourne plus vite qu'on le pense, et très vite, l'on se surprend à être encore là alors que minuit est passé depuis bien longtemps. On ne s'en préoccupe pas pour autant, heureux comme jamais, et retourne à notre activité, large sourire aux lèvres, parfois des sous plein les poches, parfois complètement faucher... Je me suis déjà fait piégé plusieurs fois en venant ici, perdant tout mon argent gagné la veille avec la capture d'un homme dont la tête se trouvait être mise à prix. Je ne le regrette pas pour autant, il n'y a rien de plus formidable comme lieu sur Syren pour perdre son argent en y prenant du plaisir.

Cette fois, je ne viens pas ici pour dépenser mes iris, mais bel et bien pour en gagner. Voilà désormais des jours que je suis à la recherche d'un dénommé Amadeus Muramasa, venant tout droit du peuple Raïken, ce dernier s'étant échappé du foyer familial, ses parents promettaient une petite somme d'argent si je le ramenais vivant. Pas question d'employer les manières habituelles avec ce jeune Raiken de dix-huit ans à peine, je prenais mon temps, préférant tenter une approche amicale et non brutale. Anticiper ses mouvements était également important dans ce genre de situation. Chose faite, ce qui expliquait la raison pour laquelle je venais de me faire engager pour surveiller l'entrée de l'île secondaire. Ainsi, portrait non pas ressemblant en tout point, mais assez pour pouvoir l'identifier en ma possession, j'attendais patiemment qu'il se montre, qu'il aille à son tour tenter sa chance au Casino d'Eldorado. Comment étais-je au courant de son prochain déplacement ? Je n'en étais pas à ma première traque, pas non plus à ma première visite ici, je ne manquais donc pas de relations pour me tenir au courant des actions d'Amadeus. Même si ces hommes réclamaient toujours de l'argent en retour, cela était le prix à payer pour garder un œil sur ma proie.

Une proie qui ne tarda pas à se montrer, aux alentours de 21h. Ne la quittant pas du regard, je faisais tout de même attention à ce que mon comportement ne soit pas trop suspect et qu'il ne se sente pas épier. Malheureusement, lorsqu'il se dirigea vers les portes du Casino, l'un des gardes m'empêcha de le suivre, m'adressant la parole sur un ton autoritaire, m'interdisant de quitter mon poste avant la relève. Si le ton avec lequel il s'adressait à moi m'énervait au plus haut point, je gardais néanmoins mon calme, pouvant encore attendre une quinzaine de minutes avant de mettre la main sur le jeune Raiken. De longues minutes à exécuter un boulot qui ne me servait à rien, puisque je ne comptais pas rester toute la durée du contrat. Le seul objectif qui me retenait ici était le jeune garçon. Pénétrant à mon tour dans l'imposant bâtiment, je reprenais aussitôt la recherche, questionnant les joueurs, les serveurs et autres personnes susceptibles d'avoir vu Amadeus ici. Cela me pris du temps de lui remettre la main dessus, et quel soulagement lorsque ce fut fait. Assis à une table de jeux, je me rapprochais de lui, m'installant à ses côtés sans même lui demander si ma présence le gêner. Abaissant légèrement la tête en gage de salut, je me concentrais désormais sur le jeu auquel je venais de prendre part.

Les machines à sous, voilà quelque chose de bien agréable pour discuter sans perdre le fil de la conversation. Simple d'utilisation, il suffit simplement d'insérer de l'iris dans l'entrée d'argent correspondante et de tirer sur le levier à votre droite pour que le jeu démarre. Ne vous reste plus qu'à prier pour que la chose vous accompagne. Ce qui n'était pas mon cas, l'écran affichant trois symboles différents, je prenais un air abattu, faisant mine de me parler à moi-même, avant de subtilement m'adresser au Raiken.

- Sacrée machine ! Tu ne me laisseras donc jamais réussir ! J'espère pour votre argent que vous êtes plus chanceux que moi à ce jeu, jeune homme.

L’enfer c’est les autres. Le dicton n’as jamais été si bien employé. Voila quelques semaines que je suis libre comme l’air, enfin décidé à vivre la vie, la vraie. Pour ça mes contacts créé durant ma jeunesse dans le navire marchand de ma mère m’avais été très utile et contre quelques bouts d’artefact vide de tout pouvoir, les fameux iris, j’avais enfin atterrit dans la nation présentant le plus d’intérêt à mes yeux. Les baronnies marchandes. La patrie des audacieux. Après quelques réglages disons… administratif, un toit, de la nourriture, je m’étais dirigé vers la fameuse île d’Eldorado. Lors de mes précédents passage, en tant que simple marin, j’avais souvent été tenté mais mineur n’avais pus observer l’édifice gigantesque que de loin et juré que j’y mettrais les pieds.

Aujourd’hui, enfin, c’était chose faite. Le complexe était encore plus fou que je n’osais l’imaginer. Une ville de jeu, de mises, d’hasard… Yeux grands ouvert, j’avais déambulé dans les rues du Casino, n’osant toucher, n’osant participer de peur que tout ceci disparaisse sous mes doigts. Finalement au bout d’une demi-heure immergée dans cette furie qu’était l’ensemble, je payais pour un petit spectacle. Une démonstration des créatures les plus surprenantes du monde de Syren. J’en eus pour mon argent et ne regrettait pas la perte de quelques pièces. Le cou du spectacle avais été un homme-singe, fruit d’un amour entre un Skowe et un géant. Cela avait donné un colosse particulièrement affreux mais doté d’une force en adéquation avec ses deux mètres de haut. Enchainé, harnaché, ses maitres l’avais fait déambuler au milieu des spectateurs. Je l’avais dévoré des yeux à cause de ma curiosité. Il faut dire qu’il était un spécimen particulièrement surprenant. Son visage se terminait par un jeu dentaire des plus amusants. Une alternance de dent noir et blanche proéminente mais qui n’étais rien comparé à ses bras pouvant faire plusieurs fois le tour de lui-même grâce à ses deux coudes…dans chaque membre !

Je murmurais encore effaré, effrayé un peu également le nom de la créature quand je sortais de la grande salle. Pas de doutes qu’elle allait emplir mes cauchemars quelques temps. Le « Boogie »… J’en ais froid dans le dos rien que d’y repenser. Après quelques pas, je me décidais à participer à mes premiers jeux de hasard. Je voulus d’abord tester les jeux de cartes mais devant mon incapacité à reconnaitre ceux de mon peuple, je me décidais vers les machines à sou, classique, simple, efficace en somme. J’avais donc commencé à introduire mes jetons, abaissé le levier de nombreuses fois quand l’homme à mes côtés m’adressa la parole. D’abord je n’y portais pas attention puis petit à petit, je compris qu’il me parlait et ne jurais pas seul dans son monde. Je jetais alors un coup d’œil sur ma droite pour observer l’inconnu. Mon regard se dirigea naturellement vers la balafre barrant sa joue et je ne pus m’empêcher de faire une grimace de dégouts.

-C’est presque aussi moche qu’un Boogie ce que vous avez là…

J’abaissais le levier une nouvelle fois, en vain, je n’arrivais pas à aligner les trois mêmes symboles malgré mes nombreux essais. Je soupirais alors, lassé et m’accoudait à la machine, la délaissant complètement pour mieux faire affaire à l’inconnu.

-Par contre je suis aussi malchanceux que vous aux jeux. Faudrait que j’essaye l’amour, je devrais mieux y arriver. Dans tout les cas, je m’appel Hisagi Gaho. Je suis éleveur de vachette et vous êtes?

Je lui souriais franchement, mes yeux plissé de joie. Joie feinte bien entendus, je ne cherchais juste à passer le temps avant de me choisir un nouveau jeu...

Aucun doute la-dessus, ce jeune homme tentait de se foutre de moi. Déjà qu'il ne se cachait pas de relever la beauté de ma balafre, se faire passer pour quelqu'un qu'il n'était pas, se révélait être stupide avec moi. Il n'y avait aucun moyen que je me laisse prendre au piège aussi stupidement. Je savais avec très exactitude que la personne se tenant face à moi se trouvait être bel et bien mon petit fugueur Raiken. Et quelle personne... son visage ne me laissait pas de marbre, bien au contraire. Des visages comme le sien, on n'a pas l’habitude d'en croiser par centaine sur Syren.. Il y a tout d'abord ce teint anormalement pale pour un jeune garçon de son âge, à moins qu'il soit malade, il ferait bien d'aller prendre des vacances au soleil dans le désert Karnak au plus vite le malheureux, il ferait fuir un mort. Et cette manie de plisser les yeux tant qu'on ne peut plus apercevoir ses pupilles, le tout accompagner d'un sourire pouvant déstabiliser les plus faibles, en voilà un bien étrange personnage. Je ne m'attarderais pas en revanche sur sa tenue vestimentaire, disons simplement que l'on ne voit pas, une fois encore, ce genre de tenue à n'importe quel angle de rue à Aphélion.

- Un Boogie ? Et qu'est-ce qu'un Boogie jeune homme ? Une créature des plus repoussante je présume, mais vous ne devriez pas comparer ma balafre ainsi, j'y suis sensible à ce sujet.

Voilà que je lui rends son sourire à présent, mieux vaut ne pas le brusquer et risquer de le voir prendre la fuite, je ne voudrais pas commettre un incident dans un lieu aussi merveilleux. Heureusement que le lieu avait la particularité de me détendre étrangement, sa remarque sur mon entaille ne serait certainement pas passer ainsi à l'extérieur. Enfin bref, Amadeus semblait d'humeur à jouer avec moi, autant rentrer dans son jeu et tester qui de nous deux est le meilleur à ce petit manège.

- Malheureux au jeu, heureux en amour hein ? Je ne crois pas à ces idioties, mais peut-être avez-vous raison, qui sait peut-être suis-je le seul à n’avoir aucune chance dans les deux domaines...

Ce qui était la pure vérité bien que cela puisse paraître étrange, ni l'amour ni le jeu ne semblait vouloir me prendre dans ses bras afin de me couvrir de ses biens faits. Ce dont je ne me plaignais évidemment pas, dans mon métier, on n'a pas le temps de s'attacher à une personne, étant constamment en déplacement partout dans Syren. L'on ne peut qu'espérer des relations d'un soir seulement, ce qui suffit amplement à satisfaire mes envies. Il se disait donc s'appeler Hisagi Gaho et élever des vachettes... l'on ne pouvait pas lui enlever son imagination et sa facilité à confectionner des mensonges. Si je n'avais pas pris connaissance de son faciès avant de le prendre en chasse, il ne fait aucun doute que je serais très certainement tomber dans le panneau.

- Je me nomme Archibald, ravi de faire votre connaissance. Léger abaissement de tête, sourire sur les lèvres, riant intérieurement. Archibald... en voilà un nom peu ordinaire. Qu'allait être sa réaction ? Il est bien rare de croiser de si jeunes personnes en ces lieux, en vous observant, l'on croirait que vous n'avez pas l'âge de jouer. Puis-je savoir votre âge ?

D’après ses propos, j’avais blessé l’inconnu. D’après son comportement, on avait dus lui dire bien pire. Doigt contre ma tempe, je l’observais, je le détaillais même. Alors qu’il me parlait, j’observais le mouvement de ses pupilles, de ses doigts, l’essence même de son être dans sa façon de se tenir droit. Je ne savais s’il me disait la vérité, probablement que oui bien que dans ce monde, très peu de personne ne dises la vérité à des inconnus. Dans tout les cas, j’eus pitié de lui lorsqu’il m’avoua ses faiblesses. Aussi pitié qu’un loup dévorant un agneau. Il ne feria spas long feu, aucun intérêt de m’attarder avec lui. Pourtant je restais. Je n’en savais pas la raison mais il m’intriguait. Probablement son prénom. Ou son sourire Colgate. Ou ses cheveux L’oréal.

-Ho oui c’est repoussant. Cette chose a quatre coudes et un piano à la place des dents. Si, si je vous jure… Plus moche, ça serais un petit nain avec des cheveux violets qui se jettent de lui-même dans les flammes vous ne trouvez pas ?

Je me pris l’arrête du nez, me cachant les yeux tandis que je mimais la désolation.

-Alala…les nains violets. Ça causeras notre perte… faudrait tous les exécuter sur la place publique moi je dis !

Pourquoi les nains ? Pourquoi violets ? Aucune idée, l’inspiration du moment. Je relavais le visage, mon regard croisant de nouveau mon interlocuteur. Un grand sourire se fit sur mon visage sans que je puisse le retenir. Je n’étais pas encore maitre de toutes mes expressions malgré ma volonté.

-Parlant de calamité et de cicatrice, la fille là-bas qui gueule comme une pochetronne, oui, oui celle aux cheveux bleu et qui à l’air bourré. Elle a dit que vous étiez très moche avec cette balafre… vous devriez allez lui réglez son compte. Hop ! Un coup de poing dans le nez, comme ça, paf !

Je mimais un geste vers la jeune femme totalement inconnu qui faisait un boucan pas possible. Criant à l’arnaque puis remisant le moment d’après, elle semblait visiblement dans un état d’ébriété avancé. Je la regardais quelques temps avant de revenir sur Archibald.

-J’ai connu un archi une fois. Il avait une boite d’enquêteur privé : « Archi mystère et compagnie ». Ça a bien marché un moment mais c’est fini maintenant. Vous connaissez peut-être ? Il habitait sur Aphelion, dans le quartier M6…