Effectuer des livraisons pour le compte de mon père n’était pas quelque chose de particulièrement intéressant ou excitant, mais je lui devais bien ça. Naturellement, l’un de ses employés aurait pu s’en charger, mais le cas était un peu particulier, puisque le client était un ami du partiarche Martillo : il préférait lui offrir une livraison plus « personnalisée ». Mes études en politique touchaient à leur fin mais je profitais encore des bonnes grâce de mon père, je n’avais donc pu qu’accepter sa demande lorsqu’il m’avait demandé d’apporter quelques pièces de vaisseau céleste à son ami, le vieil Enrico Balazar, marchand itinérant qui officiait dans toutes les Baronnies et actuellement en escale à Amalsys.

A vrai dire, je n’aurais pas une grande distance à parcourir. Le colis était stocké dans un de nos dépôts, qui était situé non loin du principal port où les vaisseaux céleste pouvaient appareiller à Amalsys. J’eus tôt fait de me faire remettre l’objet par un sous-fifre et de me mettre en route tandis qu’une chaleur matinale s’intensifiait peu à peu sur Amalsys.

Comme prévu la route ne fut pas bien longue jusqu’au port céleste de la ville, et j’arrivai bien vite en vue des innombrables vaisseaux qui y étaient stationnés – pour la plupart vaisseaux marchands en escale à la capitale pour deux ou trois jours. Il me fallait désormais mettre la main sur celui de Balazar, un petit rafiot amoureusement dénommé Le Colibri par son vieux capitaine. La chance semblait me sourire ce jour-là, car je n’eus qu’à passer une petite demi-heure à rechercher le vaisseau dans le vrai dédale que constituait le port : peu respectueux d’une quelconque loi dictant que tous devaient s’aligner bien strictement, fidèles à la philosophie vedane, une grande partie des navigateurs et marchands déposaient leur vaisseau n’importe où, pourvu qu’il paraisse en sécurité. J’appréciais naturellement la philosophie de mon peuple et en étais un fervent adepte, mais devais reconnaître qu’elle avait tout de même ses défauts ; l’organisation anarchique du port en était une très bonne illustration.

Mais une simple demi-heure m’avait suffi pour dénicher Le Colibri, petit rafiot ne payant pas de mine, entre deux grosses barges de commerce, mais qui était en quelque sorte à l’image de son propriétaire : vieux et usé, mais avenant et apparaissant tout de suite sympathique grâce à son soupçon d’authenticité.

Sans hésiter, je grimpai sur le pont du navire et me mis en quête du vieux marchand. Comme il semblait ne pas y avoir âme qui vive, je m’introduis à l’intérieur du vaisseau, et devant la vacuité des lieux je m’enfonçai encore un peu plus profondément dans l’engin pour apercevoir un blondinet, qui devait avoir à peu près mon âge, vraisemblablement affairé à l’entretien du moteur de la machine. A pas de loup, comme toujours depuis que j’avais été formé en tant qu’assassin, et sans même y prêter attention à présent, je m’approchai de l’homme et, arrivé juste derrière lui, je déclarai.

- Bonjour, excusez-moi, je cherche le propriétaire de ce bateau, le marchand Balazar. J’ai ici un colis pour lui, contenant des... du matériel mécanique.

Le ton distant et courtois de mon discours, lui, venait plutôt de ma formation politique. Mais l’on pouvait sentir immédiatement que j’étais une bille en ce qui concernait l’objet de ma livraison !