A chaque fois, la même rengaine. Dès que l'ennui me prend, il me vient des idées assez peu correctes, qu'elles soient en termes de filles à la moralité douteuse, de compagnons libres comme l'air d'un espace encore inexploré à découvrir. Sans compter les ressources potentiellement exploitables qui pourraient s'y trouver… Enfin, qu'à cela ne tienne! Pour le moment, je pousse la porte de ma petite maison, pour me retrouver directement dans une rue ou passent de nombreux êtres vivants, de toutes races et des deux sexes. Décidément, Aphelion est composée d'une véritable population hétéroclite, et ce n'est vraiment pas pour me déplaire.

Sur ma route vers les quais, l'idée brillante me vient comme une envie de ch… Ahem. Foutu Raïken qui m'a refilé cette expression bidon… Enfin, Toujours est-il qu'après avoir remarqué un navire sur le départ, je me décide à aller faire quelques pas vers la taverne la plus proche. Enfin installé un peu à l'écart, je me commande un verre au hasard, sachant que j'apprécie de toute façon à peu près tout ce qui est liquide et contient de l'alcool. La porte s'ouvre, et j'avale de travers. Pour un peu, si j'avais quelque chose me permettant d'immortaliser ce moment, je l'aurai sorti en tout hâte: un Zéphyr ici, dans une taverne du bord de l'océan céleste! Je me met à frapper mon torse avec force, dans l'espoir de calmer la quinte de toux qui me prend suite à cette mésaventure. Décidément, cet alcool n'est pas pour les gamins. Tout comme la surprise de voir ce nouvel arrivant s'installer devant moi, pour offrir une bière à tout le monde. Dommage que ce soit une des rares boissons qui me débectent… Mais comme toujours, je fais mine de crayon et me force. On ne refuse pas un cadeau… Enfin, je décide de prendre la parole à mon tour.

" Hermès, hein… C'est bien un prénom de Zéphyr, tiens! Moi c'est Wolf, Valkor. Enchanté… Et merci pour la bière. "

Faisant mine d'en boire une gorgée, j'en profite pour mieux le regarder… Elancé comme tous ceux de sa race, il semble un brin plus musclé, comme si il passait son temps à exercer une activité plutôt physique -ce qui ne colle pas vraiment avec l'idée que je me fais de cette race, qui cultive selon moi des balais dans ses jardins pour les enfoncer dans le c** de leurs nouveaux nés. Il est vrai que si je n'ai jamais manqué de respect à personne, je ne peux m'empêcher d'avoir quelques préjugés… Et il se pourrait que cet homme en fasse tomber quelques uns.

" Et que fait un Zéphyr si loin de la douce tranquillité de ses jardins aux mille oiseaux enchanteurs, si cette question n'est pas trop indiscrète? "

Eh oui, même si ma voix et le ton de mes paroles montrent clairement que je plaisante, impossible pour quelqu'un comme moi de discuter avec un squatteur de table sans lui lancer quelques piques amicales.

J'ai l'impression que le gars qui est à ma table est un peu surpris (comme tous les gens qui fréquentent cette taverne, très visiblement). Il fait une remarque sur mon nom et se présente comme étant un Valkor. Ah oui, eux. Des sortes de créatures nordiques barbares, généralement à moitié dévêtues et ce même sur le champ de bataille, hurlant comme des déments et, lorsqu'ils avaient un peu de temps libre, des buveurs invétérés. J'étais moi aussi assez surpris par mon interlocuteur. Son calme relatif était étrange, voire même suspect. Il buvait sa bière mais je notais qu'elle ne descendait pas aussi vite que prévu. Dire que je m’apprêtais à le resservir. Je bois moi aussi, juste un peu. Hum. Je préfère le vin. Cela ne m'empêche pas d'en être déjà à la moitié de ma boisson.

Le Valkor - Wolf - me pose une question ironique. Ce que je fais loin de mes jardins... Je vois bien qu'il est affecté de lourds stéréotypes envers les Zéphyrs. Parce qu'on est beaux, forts et intelligents, parce qu'on plaît aux dames, ça nous rend moins masculins qu'eux. C'est un moyen comme un autre pour les autres peuples de se rassurer de leur virilité. Nous sommes supérieurs, donc ils doivent se sentir nos égaux dans au moins un domaine. Les mâles hétérosexuels Valkor, par exemple, s'imaginent que nous sommes "de l'autre bord", comme aiment dire les marins. Et tout ça parce que moi, contrairement à eux, je ne dois pas payer des femmes pour avoir du bon temps. Tout ça parce que, quand ils vont dans des maisons closes, il me suffit d'errer dans les rues pour obtenir la même chose. C'est triste, d'une certaine façon.

« Je m'achète de quoi faire un diadème arc-en-ciel. »

Je réponds avec un petit sourire, et je sens dans mon dos que des mâchoires sont grand ouvertes. Ils n'y croyaient pas vraiment, à toute ces histoires qu'ils s'étaient inventés. La pseudo-révélation du contraire les choque. Je pause un peu, les laisse mijoter... Puis je reprends.

« Ou j'avais juste envie d'une boisson pas loin du port. Au choix. »

Les trois neurones des habitués de la taverne sont en train de griller, je le sens. Pas le gars qui est à ma table. C'est peut-être un Valkor, mais il a l'air malin. Il a l'air différent des autres hommes de son peuple (même si je n'en ai pas vu beaucoup en chair et en os). Je bois encore un peu. Il est temps pour moi de me resservir. Wolf n'a toujours pas fini la sienne, mais bon. Peut-être qu'il veut attendre la fin de la soirée avant de se saouler.

« Une autre bière s'il-vous-plaît. » Je me tourne amicalement (ça demande un peu d'effort) vers Wolf. « T'en veux une autre? »